- langage
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• v. 1160; lengatge v. 980; de langueI ♦1 ♦ Fonction d'expression de la pensée et de communication entre les hommes, mise en œuvre au moyen d'un système de signes vocaux (parole) et éventuellement de signes graphiques (écriture) qui constitue une langue. ⇒ verbe; langue (II), parole (II). « Le langage objective la pensée » (Bréal). Les universaux du langage. Étude du langage. ⇒ linguistique. La double articulation, les structures du langage. L'acquisition du langage. Retard de langage (chez l'enfant). Troubles du langage. S'exprimer par le langage. ⇒ 1. dire, exprimer, 1. parler; écrire. Philosophie du langage. Langage intérieur : production de phrases pensées mais non exprimées. ⇒ endophasie.2 ♦ Système de signes vocaux ou graphiques qui remplit la même fonction. ⇒ code. Langage naturel, que représentent les langues du monde. Langage artificiel, symbolique, formel, formalisé, qui repose sur des axiomes, des lois, des règles de formation des énoncés. Langage de la logique. — Inform. Ensemble codé de signes utilisé pour la programmation de problèmes spécifiques (scientifiques, de gestion, etc.) permettant de formuler des instructions adaptées à un calculateur électronique. Langage évolué, conçu en fonction du type d'application traité et indépendant du type d'ordinateur. ⇒ ada, algol, basic, cobol, fortran, HTML, lisp, 3. pascal, prolog. Langage machine : langage binaire directement exécutable par l'unité de traitement d'un ordinateur (⇒ assembleur, compilateur, interpréteur) . — Langage (naturel ou artificiel) qui décrit un langage. ⇒ métalangage.3 ♦ Ling. Ensemble de la langue (système abstrait) et de la parole (réalisations). ⇒ discours, langue, parole.4 ♦ Par ext. Système secondaire de signes créé à partir d'une langue. Langage subrogé, conventionnel, sténographique, codé, chiffré.5 ♦ Par ext. Système d'expression et de communication que l'on assimile au langage naturel. Le langage des dauphins. Langage gestuel. ⇒ paralangage. Le langage des fleurs. Les langages des arts (⇒ sémiotique) .II ♦ Façon de s'exprimer.1 ♦ Usage qui est fait, quant à la forme, de cette fonction d'expression, d'une langue. Usage propre à un groupe (⇒ dialecte) ou à un individu (⇒ idiolecte). ⇒ langue (II), usage. Langage courant, parlé, familier, populaire, argotique. Langage écrit, littéraire, académique, archaïque. Correction du langage. Impropriétés, fautes de langage. Langage incorrect. ⇒ baragouin, charabia, 1. jargon. — Mots du langage administratif, juridique. ⇒ lexique, terminologie, vocabulaire. Langage scientifique, technique, didactique.2 ♦ Usage de la langue, quant au contenu du discours. ⇒ discours. Son langage ne me plaît pas, ce qu'il dit, sa façon de le dire. Tenir un double langage. Il va falloir changer de langage, changer le contenu de ce qu'on dit, notamment s'exprimer plus modestement, en rabattre. ⇒ 2. ton. — Un langage franc, direct. Liberté de langage. ⇒ franc-parler. Surveillez votre langage ! soyez modéré, courtois. — Par métaph. Le langage des passions. Écouter le langage de la raison.Synonymes :- paroleTout système structuré de signes non verbaux remplissant une fonction...Synonymes :- idiome- langueManière de parler propre à un groupe social ou professionnel...Synonymes :- argot- jargon- lexiquelangagen. m.d1./d Faculté humaine de communiquer au moyen de signes vocaux (parole), éventuellement susceptibles d'être transcrits graphiquement (écriture); usage de cette faculté. "Le langage est multiforme et hétéroclite; à la fois physique, physiologique et psychique, il appartient au domaine individuel et au domaine social" (F. de Saussure).d2./d Par ext. Tout système de signes, socialement codifiés, qui ne fait pas appel à la parole ou à l'écriture. Langage du regard, des sourds-muets. Langages symboliques (langage pictural, langage des fleurs).d3./d Par anal. Ensemble des moyens de communication que l'on observe chez certaines espèces animales. Le langage des abeilles, des dauphins.d4./d Manière de s'exprimer propre à un ensemble social donné, à un individu, etc. Langage de la rue, langage soutenu, langage technique.d5./d Contenu de l'expression orale ou écrite. Tenir le langage de la raison. Un langage subversif.d6./d INFORM Série d'instructions utilisant divers signes, notam. numériques et alphabétiques.— Langage de programmation: code servant à rédiger les instructions d'un programme.— Langage évolué: langage de programmation ressemblant au langage humain.— Langage machine: code de lettres et de chiffres qui permet de simplifier l'écriture des instructions de commande.⇒LANGAGE, subst. masc.I. — [Le langage comme faculté et comme système]A. — Faculté que les hommes possèdent d'exprimer leur pensée et de communiquer entre eux au moyen d'un système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques constituant une langue; p. méton. le langage comme réalisation de cette faculté. Langage humain; pathologie du langage; philosophie du langage; structure du langage; universaux du langage. Nous nous exprimons nécessairement par des mots, et nous pensons le plus souvent dans l'espace. En d'autres termes, le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, la même discontinuité qu'entre les objets matériels (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 13). La clarté du langage s'établit sur un fond obscur, et si nous poussons la recherche assez loin, nous trouverons finalement que le langage (...) ne dit rien que lui-même, ou que son sens n'est pas séparable de lui (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 219). Le langage n'a pas de raison d'être s'il ne signifie (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 100) :• 1. ... la nature n'a pas juré de ne nous offrir que des objets exprimables par des formes simples de langage; (...) la transmission parfaite des pensées est une chimère, et (...) la transformation totale d'un discours en idées a pour conséquence l'annulation totale de sa forme. Il faut choisir : ou bien réduire le langage à la seule fonction transitive d'un système de signaux : ou bien souffrir que certains spéculent sur ses propriétés sensibles, en développant les effets actuels, les combinaisons formelles et musicales, — jusqu'à étonner parfois, ou exercer quelque temps les esprits.VALÉRY, Variété III, 1936, p. 18.• 2. Le développement du langage de type humain est étroitement lié au développement du cerveau et des facultés psychiques qu'il supporte. Contrairement à ce que l'on pensait à l'époque de Broca, il n'existe pas de centre spécial et limité du langage, pas plus qu'il n'existe une aire de la pensée. Ce centre est représenté par une vaste zone de l'hémisphère cérébral gauche, appelée zone logopsychique. Le fondement organique de la construction du langage humain ne peut plus faire de doute.J. RUFFIÉ, De la biol. à la culture, Paris, Flammarion, 1976, p. 353.— Langage articulé. Langage formé de sons différents, identifiables et signifiants. La faculté de concevoir les idées générales du vrai, du beau, du juste, et de les exprimer par le langage articulé (MÉNARD, Rêv. païen, 1876, p. 114). En partic. Langage articulé, articulé grammaticalement, c'est-à-dire (...) langage de la parole, et de la parole écrite (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 141).LING. [Dans la théorie fonctionnelle d'André Martinet] Langage articulé, doublement articulé. Langage considéré comme analysable en unités minimales significatives (les monèmes), elles-mêmes analysables en unités minimales distinctives (les phonèmes), un des caractères communs à toutes les langues. Le langage humain est non seulement articulé, mais doublement articulé, articulé sur deux plans, celui où, pour employer les termes du parler de tous les jours, les énoncés s'articulent en mots, et celui où les mots s'articulent en sons (A. MARTINET, La Double articulation, Paris, P.U.F., 1965, p. 2).— Langage intérieur. Activité verbale produite mentalement, mais non exprimée :• 3. La pensée n'est rien d'« intérieur », elle n'existe pas hors du monde et hors des mots. Ce qui nous trompe là-dessus, ce qui nous fait croire à une pensée qui existerait pour soi avant l'expression, ce sont les pensées déjà constituées et déjà exprimées que nous pouvons rappeler à nous silencieusement et par lesquelles nous nous donnons l'illusion d'une vie intérieure. Mais en réalité ce silence prétendu est bruissant de paroles, cette vie intérieure est un langage intérieur.MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 213.Rem. D'une manière générale, le langage peut être défini comme la faculté d'instituer un objet quelconque comme signe. VENDRYES note ds Langage, 1921, p. 19 : ,,La définition la plus générale qu'on puisse donner du langage est d'être un système de signes (...). Par signe, il faut entendre tout symbole capable de servir de communication entre les hommes. Les signes pouvant être de nature variée, il y a plusieurs espèces de langage (...). Il y a langage toutes les fois que deux individus, ayant attribué par convention un certain sens à un acte donné, accomplissent cet acte en vue de communiquer entre eux`` (cf. C infra).B. — Système de signes vocaux et/ou graphiques (cf. langue II A).1. [Langages naturels : les langues parlées dans le monde] Langage écrit, parlé. Les mots qui composent cette classe [la classe des mots invariables], ont tous les mêmes raisons d'en être (...); c'est pourquoi ils sont les mêmes dans tous les langages (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 128). Les amnésiques du verbe oublient d'abord ce qu'il y a de plus particulier dans le langage, les noms propres, les substantifs, les adjectifs; les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 285). J'ai reçu des lèvres de ma vieille servante le bon langage français (FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 196). La grande influence qu'il semble que Descartes ait exercée sur nos Lettres; l'événement dont il est l'auteur, de la première production en langage français d'un ouvrage de philosophie (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 209).2. [Langages artificiels, établis en fonction d'axiomes, de règles d'écriture] Système de symboles. Langage documentaire (v. ce mot B 2); langage formel, logique. Il [Leibniz] concevait la notion de langage formalisé, pure combinaison de signes dont seul importe l'enchaînement, de sorte qu'une machine serait capable de fournir tous les théorèmes, et que toutes les controverses se résoudraient par un simple calcul (BOURBAKI, Hist. math., 1960, p. 16). Construire des langages artificiels à composantes logiques pour servir aux tâches essentielles de la documentation : analyse, enregistrement des documents, et recherche documentaire (COYAUD, Introd. ét. lang. docum., 1966, p. 67).— INFORMAT., PROGRAMMATION. Ensemble de symboles et de règles permettant de combiner ces symboles afin de donner des instructions à un ordinateur.♦ Langage de programmation. ,,Langage préétabli utilisé pour écrire les programmes d'un ordinateur déterminé`` (MESS. Télém. 1979). Langage symbolique. ,,Langage de programmation utilisant des codes mnémoniques pour représenter les instructions machines`` (Informat. 1972). [Langage symbolique :] code intermédiaire entre le langage machine et les langages externes (langues naturelles ou langages documentaires), et permettant au programmeur de communiquer aisément avec l'automate. C'est pourquoi les langages symboliques sont aussi appelés langages de programmation (COYAUD, Introd. ét. lang. docum., 1966, p. 14).♦ Langage machine. ,,Langage dans lequel est exprimé un programme au moment de son exécution par l'ordinateur`` (Informat. 1972).3. En partic. Système secondaire de signes ou de symboles (code) créé à partir d'une langue et destiné à la transcrire. Langage chiffré, codé. La publication de leurs propres résultats en langage chiffré (BOURBAKI, Hist. math., 1960, p. 183).C. — P. ext.1. Système de symboles quelconques, d'objets institués comme signes, permettant à des individus de communiquer entre eux. Langage gestuel, mimique; langage des fleurs, des parfums; langage par signaux. Un langage qui possède des signes capables d'exprimer des idées isolées et détachées de toute autre (...). Je ne dis pas que le langage des gestes, et même celui des attouchemens, n'en soient pas susceptibles à un certain point (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 34). Vouloir paraître détachée de la vie, (...) c'était l'idée qu'elle voulait inculquer à d'Arthez par cette toilette grise. Albertine, qu'intéressait ce muet langage des robes, questionna M. de Charlus sur la princesse de Cadignan (PROUST, Sodome, 1922, p. 1055). Si toute série d'objets rassemblés, classés et utilisés par l'homme pour la communication avec ses semblables est par définition un langage, tout sera langage : les pierres des monuments, les couleurs du peintre, l'écran des images (SCHAEFFER, Mus. concr., 1952, p. 159) :• 4. ... ce que le théâtre peut encore arracher à la parole, ce sont ses possibilités d'expansion hors des mots, de développement dans l'espace, d'action dissociatrice et vibratoire sur la sensibilité. C'est ici qu'interviennent les intonations, la prononciation particulière d'un mot. C'est ici qu'intervient, en dehors du langage auditif des sons, le langage visuel des objets, des mouvements, des attitudes, des gestes, mais à condition qu'on prolonge leur sens, leur physionomie, leurs assemblages jusqu'aux signes, en faisant de ces signes une manière d'alphabet.ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 107.2. Expression, manifestation de la pensée, de la sensation ou du sentiment par une attitude, un geste, un comportement. Cela est juste, dit monsieur de Bourbonne en fermant sa tabatière par un geste sec dont la signification est impossible à rendre, car c'était tout un langage (BALZAC, Curé Tours, 1832, p. 215). Il est vrai que les yeux d'Émile étaient fort éloquents et qu'il était difficile de ne point comprendre leur langage (KOCK, Zizine, 1836, p. 170). Chaque trait de son visage garde une extraordinaire fixité. Rêve-t-elle? Délire-t-elle? Mais les mains qu'elle croise et décroise avec une anxiété grandissante parlent, à leur manière, un autre langage (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1416).3. P. anal. Cris, chants, voix, comportement des animaux considérés comme des moyens d'expression, de communication. Langage des abeilles, des dauphins. L'agitation de ses longues oreilles [de l'âne], dont je commence à comprendre le langage, me disait le bonheur qu'il avait de se sentir libre (A. DAUDET, R. Helmont, 1874, p. 58). Elle [une chatte] éclata en miaulements terribles, en rugissements, elle fit entendre son langage de bataille (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 229).Rem. Le problème de l'existence d'un langage animal, acceptée par certains et niée par d'autres, a donné lieu à une abondante littérature. Appliquée au monde animal, la notion de langage n'a cours que par un abus de termes. On sait qu'il a été impossible jusqu'ici d'établir que les animaux disposent, même sous une forme rudimentaire, d'un mode d'expression qui ait les caractères et les fonctions du langage humain (...). Les conditions fondamentales d'une communication proprement linguistique semblent faire défaut dans le monde des animaux même supérieurs (E. BENVENISTE, Problèmes de ling. gén. , Paris, Gallimard, 1966 [1952], p. 56).II. — [Le langage comme moyen d'expression, comme usage]A. — [Envisagé quant à la forme]• 5. ... cette définition de l'art comme un langage (...) est fondée puisque l'art permet à l'artiste de mieux s'exprimer, à lui-même, ses aspirations intérieures mais aussi de les faire percevoir aux autres, de leur communiquer les richesses secrètes, ressenties ou créées, qu'il désire leur transmettre. (...) à ce parler, la nature a fourni son vocabulaire, l'âme de l'artiste son fonds; et, comme tout langage, il pose maintenant le problème de sa forme. Communiquer [i]quelque chose, mais d'une certaine façon! Ne poursuivre que la clarté du sens et la correction de la syntaxe établie ne sortirait pas du domaine utilitaire. Pour qu'il y ait art, il faut que la forme, de même que le contenu, atteigne une qualité propre à lui donner un prix aux yeux des autres.HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 101.1. Usage particulier d'une langue, manière de parler. Surveiller, observer son langage; tournure de langage; langage d'un écrivain. Et comment moi m'en aller? dit Julien d'un ton plaisant, et en affectant le langage créole. (Une des femmes de chambre de la maison était née à Saint-Domingue) (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 339). J'peux pas faire une reine jolie et poétique... C'est pas mon affaire!... R'gardez-moi un peu... Est-ce que vous voyez Esther avec mon pif?... Moi pas!... — Quel langage!... — dit Madame de Chalais, écœurée (GYP, Souv. pte fille, 1928, p. 167) :• 6. ... on ne retrouvait pas dans le langage de Bergotte certain éclairage qui dans ses livres, comme dans ceux de quelques autres auteurs, modifie souvent dans la phrase écrite l'apparence des mots. (...) il y avait plus d'intonations, plus d'accent, dans ses livres que dans ses propos : accent indépendant de la beauté du style, que l'auteur lui-même n'a pas perçu sans doute, car il n'est pas séparable de sa personnalité la plus intime.PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 553.— En partic. Ensemble des règles de la grammaire, des règles concernant le lexique d'une langue donnée. Faute de langage; langage incorrect. Une conversation sans élégance, sans charme, et qui pourtant révèle, à travers les incorrections du langage, beaucoup d'esprit et d'immenses connaissances (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1823, p. 124).— [Constr. avec un adj. spécifiant l'aspect formel de l'usage] Langage académique, ampoulé, archaïque, clair, expressif, figuré, métaphorique, pompeux, simple, soutenu. Pendant le temps que durèrent ses fonctions, il sut se composer un langage farci de lieux communs, semé d'axiomes et de calculs traduits en phrases arrondies qui doucement débitées sonnaient aux oreilles des gens superficiels comme de l'éloquence (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 50). Pourtant, Crusco savait parler d'amour; il avait quand il fallait, un langage fleuri de mots tendres, de paraboles et des plus gracieuses métaphores (AYMÉ, Rue sans nom, 1930, p. 124) :• 7. ... Rodolphe (...) était à ses pieds [d'une femme], enveloppant son invitation dans un discours aromatisé de tout le musc et de tout le benjoin d'une galanterie à 80 degrés Richelieu. La dame demeura confondue devant ce langage pailleté d'adjectifs éblouissants et de phrases contournées et régence au point de faire rougir le talon des souliers de Rodolphe, qui n'avait jamais été si gentilhomme vieux-Sèvres.MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 161.♦ Le beau langage. L'usage des personnes dont le statut est socialement valorisé. Péj. langue recherchée, affectée. Ils prenaient des leçons de beau langage et d'art de parler sans rien dire à l'Athénée ou à l'Académie française (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 242). Sous Louis XIV, Issoudun, à qui l'on dut Baron et Bourdaloue, était toujours citée comme une ville d'élégance, de beau langage et de bonne société (BALZAC, La Rabouill., 1842, p. 359). Lord David (...) aimait l'éloquence et le beau langage. Il admirait fort ces boniments célèbres qu'on appelle les Oraisons funèbres de Bossuet (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 190).— [Constr. avec un adj. ou un compl. prép. de désignant une activité, un type d'usage, un groupe professionnel ou culturel, ou affectant un statut social à l'usage] Langage choisi, courant, noble, ordinaire, vulgaire; langage argotique, populaire, poissard; langage écrit, parlé; langage diplomatique; langage de la conversation; langage des marchands, du peuple; langage des coulisses, de la rue. Il [un vigneron] a une tête magnifique, distinguée; une pénétration, une fermeté, une éloquence extraordinaire par moments, et tout cela avec le langage paysan et des manières nobles comme ne les ont plus les grands seigneurs (SAND, Corresp., t. 3, 1849, p. 144). C'était un ancien commis voyageur, actuellement boursier, très bon enfant, patriote, ami des dames, et qui affectait le langage faubourien (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 9). Dans le Typhon, l'Olympe parlait le langage des halles (FRANCE, Génie lat., 1909, p. 44). Faut pas quoi? demanda Goigneux en feignant de n'avoir pas compris, car il supportait mal que Jourdan s'exprimât en argot ou même dans un langage un peu peuple (AYMÉ, Uranus, 1948, p. 80) :• 8. On assumait assez volontiers le rôle de démons littéraires tout occupés dans leurs ténèbres de tourmenter le langage commun, de torturer le vers, de lui arracher ses belles rimes ou ses majuscules initiales, de l'étirer jusqu'à des longueurs démesurées, de pervertir ses mœurs régulières, de l'enivrer de sonorités inattendues.VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 14.♦ Langage littéraire, poétique. Le langage littéraire — expression des désirs cachés, de la vie profonde — est la perversion du langage un peu plus même que l'érotisme n'est celle des fonctions sexuelles (G. BATAILLE, Exp. int., 1943, p. 230) :• 9. ... ce qui, pour le poète moderne [Valéry], reste une simple possibilité ou une métaphore même est, aux yeux du philosophe romantique [Schubert], certitude absolue, intuition immédiate et vérifiée par l'adhésion intérieure. Pour lui, les objets ont davantage qu'une apparence de vie, qu'un dessein supposé : ils expriment en fait la même réalité indéfinissable qu'atteint le langage poétique.BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 111.♦ Langage diplomatique (au fig.). Manière habile de s'exprimer, en cherchant à ne blesser personne. V. diplomatique 2 ex. 2.— [Constr. avec un adj. ou un compl. prép. de désignant une matière, un domaine, une science ou une technique] Langage administratif, juridique, philosophique, technique; langage du droit, de l'économie, des sciences. Il a présenté ce spirituel académicien [Fontenelle] comme celui qui, le premier, a introduit le langage scientifique, la langue théorique dans la littérature (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 397). Dépouiller l'héritage romantique du langage astrologique, magique et occulte, où la mode du temps l'avait enfermé (BÉGUIN, Âme romant., 1939p. 128). Le tout exprimé dans le langage géométrique habituel des éléments, ce qui rend l'exposé particulièrement touffu et incommode (BOURBAKI, Hist. math., 1960, p. 95). On peut traduire ces hypothèses en un langage mathématique assez précis pour pouvoir alors appliquer le théorème cité (Traité sociol., 1967, p. 130).2. P. anal. Ensemble des moyens d'expression particuliers à un art, ou utilisés par un artiste pour créer une œuvre. Langage chromatique, musical. Les arts sont au-dessus de la pensée : leur langage ce sont les couleurs ou les formes, ou les sons (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 377). Nous pouvons joindre à ces trois pièces [de Debussy] comme participant du même esprit, quoique (...) seuls le langage harmonique et l'emploi de la pédale en assurent le caractère suggestif, la deuxième Image de la seconde série : Et la lune descend sur le temple qui fut (CORTOT, Mus. fr. piano, 1930, p. 29). Poser la question (...) de l'efficacité intellectuelle d'un langage qui n'utiliserait que les formes, ou le bruit, ou le geste, c'est poser la question de l'efficacité intellectuelle de l'art (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p. 83) :• 10. La plastique est un langage plus encore qu'on ne le croit. Elle est une manière de parler parce qu'elle est une manière de penser. Elle peut exprimer des idées et des relations d'idées que le sculpteur ou le peintre serait tout à fait impuissant à traduire par des mots. (...). La grandeur d'un esprit n'est pas liée à ses facultés discursives, mais à son plus ou moins de force à exprimer, dans n'importe quel langage, ce qu'il conçoit. Et parce que Cézanne ne comprendrait pas toujours le langage de Hegel, je ne vois pas pourquoi Cézanne serait un moins grand esprit que Hegel, qui ne comprendrait pas mieux, j'imagine, le langage de Cézanne. La philosophie elle-même n'est qu'une manière de parler.FAURE, Espr. formes, 1927, p. 137.B. — [Envisagé quant au contenu]1. Usage d'une langue considéré par rapport au contenu communiqué. En partic. Discours tenu dans une circonstance donnée. Langage ambigu, cru, cynique, direct, droit, franc, grossier, hypocrite, mensonger, orgueilleux, prudent, subtil; changer de langage; parler un certain langage à qqn. Dans un instant où mon rival était occupé en bas, elle me dit ces propres mots : « Mon bon ami, j'ai joué; je n'ai pas le sou. » Ce langage inattendu me pénétra de joie, et j'y satisfis comme je le pus (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 145). Les gens qui n'ont jamais éprouvé l'amour en regardent toujours le développement chez les autres comme une affectation de sensibilité, ou, tout au plus, un accès de folie. Ces personnes tiennent à l'égard de l'amour le même langage que ceux qui, étrangers par nature ou par éducation au sentiment religieux, en nient l'existence (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 423). Le socialisme parlementaire parle autant de langages qu'il a d'espèces de clientèles. Il s'adresse aux ouvriers, aux petits patrons, aux paysans; (...) tantôt il est patriote, tantôt il déclame contre l'armée. Aucune contradiction ne l'arrête (SOREL, Réflex. violence, 1908, p. 74). Il n'osait pas entrer le sauvage. Un des commis indigène l'invitait pourtant : « Viens bougnoule! Viens voir ici! Nous y a pas bouffer sauvage! » Ce langage finit par le décider (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 172).♦ [En fonction de déterm.] Abus, artifice, écart, excès, liberté de langage; délicatesses, subtilités de langage. « ... M. de Nièvres vous estime; il sait le prix des affections que je possède; il est et sera votre ami, vous serez le sien : c'est un engagement que j'ai pris en votre nom, et que vous tiendrez, j'en suis certaine... » Elle continua de la sorte simplement, librement, sans aucune ambiguïté de langage (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 115). Harriet était surtout blessée quand, dans ses légèretés de langage, Nore paraissait sortir, à l'égard de son père, du respect profond qu'elle-même portait à celui-ci (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 142). À l'accumulation superflue de précautions de langage là où on les attendait le moins [dans un texte], je pressentais que, pour le rédacteur, la charge exacte de signification impliquée çà et là dans quelque terme d'apparence banale n'avait pu être exactement la même que celle que j'y attachais (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 142) :• 11. « — Je ne vois qu'un moyen de tout raccommoder, dit-elle : c'est de cacher Châteaubedeau dans le lit de Maman! » Ce mot, excessif aux lèvres d'une enfant, eut une suite imprévue. De l'expédient préconisé par Jacquette, Ninon ne retint que le fait qu'une telle intempérance de langage sortait de la bouche de sa fille; et elle s'alarma à bon droit d'une éducation qu'il devenait urgent de surveiller, et de près.BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 51.— [Constr. avec un compl. prép. de désignant un affect, la raison] Expression, raisonnement propre à un affect, à la raison. Langage de l'affection, de l'amour, du cœur, du sentiment. Il comprit que sa souffrance morale était faite d'une douleur physique et qu'il traduisait dans le langage de la passion toutes les formes d'une torture à laquelle il était soumis (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 138) :• 12. — Non, dit Rambert avec amertume, vous ne pouvez pas comprendre. Vous parlez le langage de la raison, vous êtes dans l'abstraction. Le docteur leva les yeux sur la république et dit qu'il ne savait pas s'il parlait le langage de la raison, mais il parlait le langage de l'évidence et ce n'était pas forcément la même chose.CAMUS, Peste, 1947, p. 1288.2. P. ext. Expression, manifestation par l'art d'un contenu psychologique. La sculpture prête son langage à toutes les parties des églises (STENDHAL, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 337). Le larghetto (bissé) parle un langage (...) plus intelligible que la majorité des compositions vocales (PROD'HOMME, Symph. Beethoven, 1921, p. 66). J'avais été très frappé par le Beatus vir de Monteverdi. Il parle un langage qui s'est perdu, un langage d'une sérénité divine et d'une douceur telle qu'après lui les plus grands ont quelque chose de rude et de dur (GREEN, Journal, 1950-54, p. 220).3. Au fig. Manifestation du réel ou de l'imaginaire considéré comme un ensemble de signes porteurs de signification. C'est justement quand elle ne parle pas, qu'il me semble la comprendre, ton Allemagne. Cette ville à clochers et à pignons que tu m'as montrée cette nuit, sur laquelle les seules inscriptions étaient les taches de la lune, ce torrent gelé jusqu'au sol, muet par obligation, j'en comprends l'âge, la force, le langage (GIRAUDOUX, Siegfried, 1928, II, 1, p. 64). Schubert se demanda quel est le rapport qui unit ou oppose le langage du rêve, celui de la poésie, celui de la nature. Entre l'expression métaphorique du Rêve, dont les termes sont des images, des objets, des personnages, et l'expression de la veille, qui recourt aux mots, il existe plus d'une différence essentielle (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 108). L'image, dans sa simplicité, n'a pas besoin d'un savoir. Elle est le bien d'une conscience naïve. En son expression, elle est jeune langage. Le poète, en la nouveauté de ses images, est toujours origine de langage (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 4) :• 13. ... les façades qui bordaient le quai ne manquaient pas d'une certaine dignité un peu lourde qui rappelait la prospérité bourgeoise du siècle dernier. D'orgueilleuses portes cochères et d'interminables balcons où des familles entières eussent tenu, parlaient le langage des réussites matérielles et d'affaires rondement menées jusqu'à la mort.GREEN, Malfaiteur, 1955, p. 154.Prononc. et Orth. : [
]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin Xe s. lengatge « manière de s'exprimer propre à un groupe; langue » (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 481); ca 1160 langage (d'oisiaus) (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 5056); 1174-76 language (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 6165 : Mis languages est bons, car en France fui nez); 1370-72 comun langage « manière de s'exprimer la plus usuelle » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, I, 14, note 2, p. 128); 1810 langage « moyens utilisés par un artiste pour exprimer ses conceptions » (STAËL, loc. cit.); 2. ca 1135 langage « paroles, propos » (Couronnement Louis, mss A B, éd. Y. G. Lepage, 2364); ca 1280 dire en son langage « s'exprimer en ces termes » (Rigomer, 5896 ds T.-L.). Dér. de langue; suff. -age. Fréq. abs. littér. : 6 280. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 9 473, b) 5 556; XXe s. : a) 5 145, b) 12 554. Bbg. KOLL (H.-G.). Die Französischen Wörter langue und langage im Mittelalter. Genève-Paris, 1958, 191 p. - POHL (J.). Symboles et langages. 2. La diversité des langages. Paris-Bruxelles, 1968, 136 p. - QUEM. DDL t. 21.
langage [lɑ̃gaʒ] n. m.ÉTYM. V. 1160; lengatge, v. 980; de langue.❖———1 Fonction d'expression de la pensée et de communication entre les hommes, mise en œuvre au moyen d'un système de signes vocaux (parole) et éventuellement de signes graphiques (écriture) constituant une langue. ⇒ Verbe; langue, II., parole, II. || Les universaux du langage. || La double articulation (I., 3.), les structures du langage. || Pathologie du langage. || Langage intérieur, production de phrases pensées mais non exprimées. ⇒ Endophasie. || Langage extérieur, mis en œuvre par les organes de la phonation (⇒ Discours, parole) ou noté par des signes matériels (⇒ Alphabet, écriture). || Exprimer qqch. par le langage. ⇒ Dire, exprimer (cit. 6); parler; écrire. || Expression (cit. 20) par le langage. ⇒ Forme (II., 3.). || Le langage est formé de sons articulés (cit. 11) ou de leur transcription. || Éléments du langage. ⇒ Phonème, son; morphème, mot, syntagme, phrase. || Problème de l'origine du langage; hypothèses sur l'apparition du langage dans l'espèce humaine. || Création, fixation du langage par l'homme (→ Fabriquer, cit. 17; interjection, cit. 2). || « Le premier langage de l'homme… est le cri (cit. 21) de la nature » (Rousseau). — Le langage et la pensée (→ Idiome, cit. 4), et l'idée (cit. 14). || Le langage et le moi, et les sentiments (→ Impersonnel, cit. 3). || Le langage est convention (cit. 7). ⇒ Signe. || Le langage est ellipse (cit. 3, Sartre). || Le langage, instrument de communication, intermédiaire entre les hommes (cit. 8). || Troubles de la communication par le langage, troubles du langage. ⇒ Aphasie. || La schizographie, trouble de l'usage écrit du langage. — Étude du langage, des faits de langage. ⇒ Grammaire (cit. 9), grammairien; linguiste, linguistique (phonétique, sémantique, lexicologie, syntaxe, etc.). — Philosophie du langage : étude philosophique du langage humain naturel, au niveau le plus général (⇒ Sémiotique). || Platon, Aristote, les Stoïciens, saint Augustin, Abélard, Locke, Condillac, Wittgenstein, philosophes du langage.1 La poésie est un art du langage. Le langage, cependant, est une création de la pratique. Remarquons d'abord que toute communication entre les hommes n'a quelque certitude que dans la pratique, et par la vérification que nous donne la pratique.Valéry, Variété V, p. 142.2 L'intelligence humaine tire du langage, pour les opérations de toutes les heures, les mêmes services qu'elle tire des chiffres pour le calcul. C'est une conséquence de l'infirmité de notre entendement (…) qu'il nous est plus facile d'opérer sur les signes des idées que sur les idées elles-mêmes (…) Tel est le service rendu par le langage; il objective la pensée.Michel Bréal, Essai de sémantique, p. 270.3 Sans le langage articulé, la civilisation n'existerait pas. L'usage de la parole, comme celui de la main, a aidé beaucoup au développement du cerveau.Alexis Carrel, l'Homme, cet inconnu, III, X.4 Le langage (…) est un acte physiologique en ce qu'il met en œuvre plusieurs organes du corps humain. C'est un acte psychologique en ce qu'il suppose l'activité volontaire de l'esprit. C'est un acte social en ce qu'il répond à un besoin de communication entre les hommes. Enfin, c'est un fait historique, attesté sous des formes très variées (…)J. Vendryes, le Langage, Préface, p. 1-2.5 L'on dira donc (pour acquit de conscience) que le langage comporte — comme les grammaires l'enseignent, et les dictionnaires, ne fût-ce que par leur aspect, le confirment — d'une part des signes qui tombent sous le sens : soit bruit, son, image écrite ou tactile; de l'autre, des idées, associées à ces signes en telle sorte que le signe, sitôt apparu, les évoque. En bref, un corps et une âme, une matière et un esprit.J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 70-71.6 (…) en partant de la conception (…) de Saussure, on nous concédera bien que, parmi les signes extérieurs par lesquels peut se manifester la pensée, le langage est celui qui la serre de plus près. Nous croyons même qu'il existe un très grand domaine de pensée qui serait impossible sans le langage. C'est qu'à côté du langage extérieur, il existe un langage intérieur (…)Damourette et Pichon, Essai de grammaire, §3.REM. La parole s'oppose au langage : 1. En tant qu'elle ne désigne que le langage extérieur. 2. En tant qu'action par laquelle s'exerce une fonction (le langage). → Parole. — Langue désigne un système (d'expression) et non une fonction.7 L'intention (de parler), qui n'est point nécessairement langage, pas même langage intérieur, aboutit au langage intérieur ou à la parole.H. Delacroix, le Langage et la Pensée, p. 523.2 Didact. Ensemble formé par la langue (système abstrait) et la parole (ou discours), tels qu'ils sont distingués depuis Saussure.1 Système de signes vocaux ou graphiques permettant la communication entre systèmes (organismes : personnes, animaux; machines). ⇒ Code; → Communiquer, cit. 10. — REM. Dans cet emploi, langage est qualifié par un adj. ou un compl. || Langage naturel : code linguistique humain, représenté par la totalité des langues du monde (ce sens s'identifie au sens 1). || Langage artificiel, reposant sur des axiomes et des règles de formation des énoncés, évitant les ambiguïtés des langues naturelles et visant à la cohérence formelle. — REM. Dans cet emploi, langage est, en français, critiquable; il s'agit d'un système et donc d'une langue (l'infl. de l'angl. language est ici évidente comme ci-dessous, cit. 10.1 et supra). || Langage formel, formalisé, symbolique. || Langage de la logique, de l'algèbre. — Langage (naturel ou artificiel) décrivant une langue (naturelle ou artificielle). ⇒ Métalangage. — Langage second : code s'appliquant aux productions d'une langue naturelle. || Langage chiffré, codé, secret, permettant d'assurer le secret dans la transmission des messages. ⇒ Chiffre, code (spécialt). — Cour. || Langage clair : le langage naturel ainsi codé. || Transcrire un message chiffré en langage clair (⇒ Décoder). — Langage conventionnel, sténographique (⇒ Sténographie), morse. — Langages subrogés. || Langage sifflé, tambouriné. — (Signes non langagiers). || Le langage digital des sourds-muets. ⇒ Dactylologie; → aussi ci-dessous, 2.♦ Spécialt. Inform. Ensemble codé de signes utilisé pour la programmation de problèmes spécifiques (scientifiques, de gestion, etc.) permettant de formuler des instructions adaptées à un calculateur électronique. || Langage machine, avec lequel on donne des instructions à un ordinateur (⇒ Algol, cobol, fortran). || Langage d'exécution, de procédure. || Langage de programmation. || Langage de commande, de contrôle. — REM. Cette adaptation de l'anglais, qui ne connaît pas l'opposition langue (système)/langage (fonction), est maladroite : langue ou code conviendrait mieux. — Dans ce contexte, langage naturel est utilisé en contraste avec langage machine.8 Les ordinateurs de la décennie 1950 étaient encore complexes, difficiles à manier (…) Leurs défaillances signifiaient des réparations fréquentes (…) De plus, ces premiers ordinateurs n'étaient accessibles qu'en « langage machine » (…) seuls pouvaient le comprendre quelques informaticiens rompus à un dialogue aussi hermétique.Simon Nora et Alain Minc, l'Informatisation de la société, p. 18.♦ Langage algorithmique (de programmation), indépendant de tout matériel. || Langage symbolique : langage de programmation autre qu'un langage machine (chaque instruction, représentée par un symbole, ne peut être exécutée par la machine qu'après traduction). || Langage d'assemblage (1.). ⇒ Assembleur (3.).2 Cour. Système ou ensemble de signes permettant l'expression et la communication, et que l'on compare au véritable langage humain.a (Expression et communication humaine). || Le langage du geste (cit. 8), de la pantomime. ⇒ Gestuelle. || Le langage des mimiques faciales, des gestes est variable selon les sociétés. || Un langage physique à base de signes (cit. 12.1). || Le langage visuel des objets. — Spécialt. Système conventionnel où chaque élément (objet, action…) correspond à une signification simple ou complexe. ☑ Le langage des fleurs (→ Interpréter, cit. 3), du blason.9 Camille ne comprit rien, ni à ces dessins qu'elle distinguait à peine, ni à ces signes qu'elle ne connaissait pas; mais elle avait remarqué, du premier coup d'œil, que ce jeune homme ne remuait pas les lèvres; — prête à sortir, elle s'arrêta. Elle voyait qu'il parlait un langage qui n'était celui de personne, et qu'il trouvait moyen de s'exprimer sans ce fatal mouvement de la parole, si incompréhensible pour elle, et qui faisait le tourment de sa pensée. Quel que fût ce langage étrange, une surprise extrême, un désir invincible d'en voir davantage, lui firent reprendre la place qu'elle venait de quitter (…)A. de Musset, Contes, Pierre et Camille, VII.10 Tous les organes des sens peuvent servir à créer un langage. Il y a le langage olfactif et le langage tactile, le langage visuel et le langage auditif. Il y a langage toutes les fois que deux individus, ayant attribué par convention un certain sens à un acte donné, accomplissent cet acte en vue de communiquer entre eux.J. Vendryes, le Langage, Introd., p. 9.♦ Manifestation de la pensée, du sentiment, de la sensation. || Le langage des yeux (→ Interprète, cit. 11).10.1 Avec deux yeux bavards parfois j'aime à jaser;Mais le seul vrai langage au monde est un baiser.A. de Musset, Poésies nouvelles, « Idylle ».b (Expression et communication non humaine). Système de communication propre aux espèces animales. ⇒ Code, sémiotique. || Le langage des animaux, le langage des bêtes (vx).11 (…) ils (les animaux) gémissent ou crient d'une manière à nous faire connaître leurs besoins, et il semble qu'on ne puisse leur refuser quelque espèce de langage.Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu, V, 1.11.1 La tendance générale est de considérer le langage animal comme ne reposant pas sur des systèmes de signes mais sur un « code de signaux » (Benveniste) : d'une part, il n'y a ni dialogue ni composition libre d'éléments; d'autre part, les signaux utilisés sont essentiellement de nature imitative ou mimique (mais il reste à déterminer s'il y a déjà imitation différée).J. Piaget, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 345.———II Façon particulière de s'exprimer.1 Usage du langage propre à un groupe ou à un individu. ⇒ Langue (II.). — REM. Pour désigner cette valeur, l'usage scientifique emploie plus spécifiquement niveau de langue, discours ou encore lexique, vocabulaire. || Le langage commun (cit. 17), courant, général, ordinaire, quotidien. || Un langage simple (→ Chercher, cit. 20; dire, cit. 106). || Langage parlé. || Langage populaire, faubourien (cit. 1), poissard. || Langage de carrefour, des halles. || Langage argotique (cit.). ⇒ Argot (cit. 1 et 2). || Langage cru, libre, grossier, trivial, vulgaire. — Langage littéraire, écrit (→ Écriture, cit. 16; écrivain, cit. 11). || Langage prosaïque (⇒ Prose), poétique, lyrique (⇒ Poésie). || Langage choisi, noble, relevé (→ Adulation, cit. 1), soutenu. — Le beau langage. ⇒ Usage. || Employer un langage incorrect, impur. ⇒ Baragouin, charabia, jargon, patois, sabir; → Petit-nègre. || Langage académique, châtié, guindé (⇒ Purisme). || Langage affecté (cit. 5), affêté (cit. 3), amphigourique, précieux (⇒ Amphigouri, préciosité). || Langage archaïque (⇒ Archaïsme), vieux langage (→ Érudit, cit. 6). || Langage d'aujourd'hui, langage moderne, nouveau. ⇒ Néologie (→ Assujettir, cit. 15). — Un langage clair, direct, expressif (→ Efforcer, cit. 15; équivoque, cit. 21). || Langage ésotérique (cit. 3), hermétique, secret, incompréhensible, inintelligible, confus (→ Intelligible, cit. 4).12 Le Parnasse parla le langage des halles (…)Boileau, l'Art poétique, I.13 Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.Molière, les Femmes savantes, II, 7.14 Plusieurs étrangers se sont imaginé que nous n'avions qu'un langage pour la prose et pour la poésie : ils se sont bien trompés.Voltaire, Commentaires sur Corneille, Nicomède, III, 2.15 (Le grec) Un langage sonore, aux douceurs souveraines,Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines.André Chénier, Poèmes, « L'Invention ».16 Du reste son langage, empreint d'une sorte d'insolence modérée et sournoise, était réservé et presque choisi (…)Hugo, les Misérables, III, VIII, XX.17 Par-dessus tout, entretenir le culte du beau langage, véhicule de la pensée française, — et la politesse de l'esprit, sans laquelle les idées les meilleures peuvent devenir malfaisantes.Louis Bertrand, Louis XIV, III, I.18 Rien de meilleur que d'exprimer le surnaturel dans un langage commun, vulgaire, avec les mots de tous les jours.Bernanos, Sous le soleil de Satan, I, III.19 Raisonner avec un langage mal fait, c'est peser avec de faux poids.A. Maurois, Un art de vivre, I, 4.♦ Absolt. || Le langage : l'expression orale et écrite dans une langue donnée et selon une norme sociale; l'usage accepté, la norme. || Correction du langage. || Des subtilités de langage. ⇒ Atticisme. || Codifier, fixer, épurer le langage. ⇒ Grammaire (→ Concentration, cit. 2; correctement, cit. 1). || « En matière de langage, le peuple fait loi » (→ Convertir, cit. 4, P.-L. Courier). — Défauts, impropriétés, fautes, incorrections de langage. ⇒ Barbarisme, cuir, solécisme (→ Gaucherie, cit. 5; infirmité, cit. 4; insuffisance, cit. 3).20 Quand on lui demandait son avis de quelque mot français, il (Malherbe) renvoyait ordinairement aux crocheteurs du Port-au-Foin, et disait que c'étaient ses maîtres pour le langage (…)Racan, Mémoire pour la vie de Malherbe.21 (…) il fallut à cette époque intermédiaire (le début du XVIIe s.) des professeurs de grammaire et de rhétorique qui donnassent la loi et fixassent ses règles au langage nouveau.Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 5 janv. 1852.♦ Manière de parler propre à quelqu'un; accent (cit. 12), prononciation, ton (langage parlé); style écrit (→ ci-dessus cit. 16). — Tournures, expressions propres au langage de qqn. ⇒ Idiotisme (1. Idiotisme, cit. 2). — Le langage d'un écrivain, sa manière d'écrire. ⇒ Langue, style.22 Il avait votre port, vos yeux, votre langage (…)Racine, Phèdre, II, 5.♦ Spécialt. Ensemble des éléments caractéristiques (syntaxe et surtout vocabulaire) propres à un domaine d'activités ou de connaissances, sur le plan de l'expression par le discours. || Langages spéciaux. || Mots, termes du langage administratif, du palais, du langage juridique. ⇒ Lexique, terminologie, vocabulaire. || En langage d'apothicaire (cit. 3). || Langage scientifique (→ Enseignement, cit. 5), philosophique (→ Boursoufler, cit. 1). || Langage technique, technologique, didactique.23 (…) un style qui serait (…) rythmé comme le vers, précis comme le langage des sciences (…)Flaubert, Correspondance, 318, 24 avr. 1852.REM. Les emplois sont souvent ambigus; ils désignent à la fois des usages, des « stratégies de discours » et des ensembles terminologiques.2 (Abusif dans l'usage didact.). Langue, idiome (→ Former, cit. 41; intelligible, cit. 6). || Les mots d'un langage (→ Impérieusement, cit. 2). || Le langage et les coutumes d'un pays. || Adopter (cit. 6) le langage et les coutumes d'un pays. || Adopter (cit. 6) un langage. || Étendre (cit. 14), répandre le langage de son pays. || Parler, écrire (cit. 28) un langage, en un langage (→ Hébraïsme, cit. 1). || Connaissance d'un langage (→ Insensible, cit. 18). || Le langage celtique (cit.), français (→ Genre, cit. 21). Vx. || Confusion des langages à la tour de Babel (cit. 1).24 A quoy Pantagruel dist : « Que diable de langaige est cecy ? Par Dieu, tu es quelque hérétique ».Rabelais, Pantagruel, VI, (… à) un Limosin qui contrefaisoit le langaige françoys.3 Usage qui est fait du langage quant au fond, au contenu du discours. ⇒ Discours. || Parler, tenir un certain langage à qqn (→ Arrêter, cit. 3; bonjour, cit. 4, La Fontaine; cesser, cit. 14). || Changer (cit. 19 et 41) de langage (⇒ Ton), changer son langage (→ Enfuir, cit. 1; inconstance, cit. 10). — Langage franc, direct, droit. || Liberté de langage. ⇒ Franc-parler. || Incontinence, intempérance de langage. || Langage appris, de perroquet (⇒ Psittacisme). || Langage fallacieux (cit. 1), flatteur, menteur. || Langage acerbe, méchant; cynique; circonspect, prudent. || Langage orgueilleux. || Forfanterie (cit. 5) de langage. || Langage subtil; subtilité de langage (⇒ Argutie). — Le langage de La Palisse, de monsieur Prudhomme.25 Hé quoi, Mathan ! D'un prêtre est-ce là le langage ?Racine, Athalie, II, 5.26 Tels sont les hommes : ils changent de langage comme d'habits : ils ne disent la vérité qu'en robe de chambre; en habit de parade ils ne savent que mentir (…)Rousseau, Lettre à Mgr de Beaumont.27 Quelle brutalité forcenée de langage et de pensée ! quelle inélégance de manières et de tenue !Th. Gautier, Mlle de Maupin, X.28 Une fois de plus, mais cette fois plus que jamais, je parlerai mon langage, assuré qu'il ne sera entendu que de ceux qui le parlent avec moi, qui le parlaient bien avant qu'ils ne m'eussent lu, qui le parleront lorsque je ne serai plus (…)Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, I, III.♦ ☑ Loc. fig. (Vx). En langage d'apothicaire (en comptant très cher).♦ Par métaphore. || Le langage de l'affection (cit. 15), du sentiment, des passions (→ Accusation, cit. 10; exclamation, cit. 1; forme, cit. 35). || Le langage de l'amour (→ Enthousiasme, cit. 17), du cœur. || Le langage de l'envie (cit. 4). || Tenir le langage de la raison.29 Que de vie, cependant, je sens au fond de mon âme ! Jamais, quand le sang le plus ardent coulait de mon cœur dans mes veines, je n'ai parlé le langage des passions avec autant d'énergie que je le pourrais faire en ce moment.Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 383.30 (…) vous ne pouvez pas comprendre. Vous parlez le langage de la raison, vous êtes dans l'abstraction.Camus, la Peste, p. 102.4 Fig. Manifestation de la nature ou de l'art, considérée comme un ensemble de signes déchiffrables (→ ci-dessus I., B., 2.). || Le langage que parle la nature (→ Création, cit. 7). || Le langage de la peinture, de l'architecture. — (En parlant d'un style, d'une école, d'un créateur). || Le langage des préraphaélites, des impressionnistes. || Le langage harmonique (cit. 2) de Debussy.31 Car tout parle dans l'univers;Il n'est rien qui n'ait son langage (…)La Fontaine, Fables, XI, Épilogue.32 (Celui) Qui plane sur la vie, et comprend sans effortLe langage des fleurs et des choses muettes !Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, III.33 Lorsque la sculpture bavarde, je m'en détourne. Lorsque la musique décrit, je m'en détourne. Si l'architecture tend devant mes yeux un décor sans épaisseur, et derrière lequel il n'y a rien, je m'en détourne. D'une peinture qui fait danser ses personnages, je me détourne. Je veux que chacun des arts parle le langage qui lui est propre, au lieu de bégayer dans une langue étrangère.Alain, Propos, 3 juin 1921, Du langage propre à chaque art.34 Mais quel langage parlent les précolombiens encore obscurs, les monnaies gauloises, les bronzes des steppes dont nous ignorons quelles peuplades les fondirent ? Quel langage parlent les bisons des cavernes ?Malraux, les Voix du silence, p. 64.♦ Spécialt. (Vx). Verbiage.35 — Si je… — Point de langage. — Mais quoi… ? — Je n'entends rien.Molière, le Misanthrope, I, 3.❖DÉR. et COMP. Langagier. Paralangage, protolangage. V. Métalangage.
Encyclopédie Universelle. 2012.